par Gérard GROLLEAU
La biodiversité, c’est l’ensemble des animaux et des plantes de toutes les classes vivant sur la planète. L’homme étant un mammifère fait partie de cet ensemble.
La vision du monde animal par l’homme a évolué depuis celle des hommes préhistoriques pour lesquels la plupart des espèces étaient du gibier et les autres espèces dangereuses pour leur existence, jusqu’au regard que nous portons sur les animaux au 21ème siècle. Les religions monothéistes ont placé l’homme au-dessus du monde animal, ce dernier ayant été créé pour ses besoins !
Au 17ème siècle, le mathématicien et philosophe René DESCARTES a développé sa théorie de l’animal machine ; selon lui, les animaux étaient des robots répondant à des stimuli, mais ne possédant ni âme ni conscience et ne ressentant pas la douleur. Il a fallu attendre des années avant que des voix s’élèvent pour remettre en cause ce type de pensée et le milieu du 19ème siècle (décembre 1845) pour voir la création de la première « Société Protectrice des Animaux » (SPA) par le Dr PARISET, ce dernier étant révolté par les mauvais traitements que les cochers infligeaient à leurs chevaux.
Le sentiment que les animaux n’étaient pas des machines a petit à petit fait son chemin, mais tout d’abord au profit des animaux de compagnie (chiens et chats). Il n’en était pas de même pour les animaux dits «de rente» dans les fermes, au moins jusqu’à la fin des années 1950, ceux-ci étant souvent traités sans ménagements. Mais il ne s’agit pas de jeter l’opprobe sur nos ancêtres ; l’évolution a été assez lente et leurs conditions de vie à cette époque étaient vraiment difficiles. L’empathie envers les animaux a fait son chemin dans une fraction des populations des pays développés.
Un exemple de cruauté inconsciente par ceux qui opéraient : dans les années 1950, dans le village où je vivais, les anguilles étaient grillées vivantes sur des braseros, maintenues sur la grille jusqu’à ce qu’elles ne bougent plus, et ce sur les marchés. Cela n’émouvait personne ; il s’agissait de poissons, donc ils ne souffraient pas. De même, plonger les homards vivants dans de l’eau bouillante ne soulève pas souvent l’indignation.
Il a fallu attendre 1968 pour que le sentiment de protection des animaux, latent chez de nombreuses personnes, explose avec le rejet des parcs zoologiques, de façon assez brutale d’ailleurs, établissements détenant des animaux sauvages dans des conditions souvent scandaleuses. De la protection des seuls animaux de compagnie, le besoin d’agir s’est élargi aux animaux de rente, puis aux animaux captifs, puis aux animaux sauvages dans leurs milieux naturels. C’est le développement des connaissances en écologie et en éthologie, ainsi que le positionnement de certaines personnalités qui a permis une telle évolution.
C’est après 1968 que sont nés les premiers « Centres de Sauvegarde de la Faune Sauvage » s’adressant (bénévolement) aux animaux sauvages blessés, malades, mazoutés, etc…, incapables de subvenir à leurs besoins vitaux.
Il faut reconnaitre cependant que l’intérêt pour le bien-être des animaux s’est d’abord adressé à nos animaux de compagnie, puis aux grands singes en raison de leur proximité avec notre espèce (espèces dans la nature et individus captifs dans des laboratoires de recherche médicale ou autre). Ce sont donc les mammifères qui ont été les premiers concernés, puis les oiseaux ; reptiles, batraciens, poissons, insectes, suscitent nettement moins d’attention.
La protection s’est étendue, vers la fin du 20ème siècle, aux animaux de rente ; bovins, ovins, caprins, puis les volailles, que ce soit pour les conditions de leur détention, de leur entretien et de leur mise à mort. La législation en ce domaine a beaucoup progressé depuis 20 ans, grâce aux actions d’un certain nombre d’Associations de protection des animaux et/ou de la nature. Mais curieusement, la protection des animaux sauvages captifs ne s’étend pas aux animaux sauvages libres, chasse oblige !! Les animaux sauvages en nature sont res nullius (n’appartiennent à personne) et, pour les individus d’espèces chassables, c’est en les tuant que les chasseurs en deviennent propriétaires (res propria).
Tous les mammifères et oiseaux détenus par l’homme sont « des êtres sensibles » depuis quelques années et non plus des biens meubles. Les animaux sauvages en liberté seraient-ils insensibles ?
Bientôt, il va falloir ajouter les poissons, les crustacés et les céphalopodes à la liste des animaux sensibles, c’est-à-dire pouvant ressentir la douleur. Ce qui suit est tiré d’un excellent article de Gauthier RIBEROLLES :
RIBEROLLES G. : Droit Animal, Ethique et Sciences n° 104 : p14-17, Janvier 2020
Revue de protection animale animée par des médecins, vétérinaires, philosophes, juristes, toutes personnes sérieuses n’exposant que des faits prouvés scientifiquement.
Les poissons sont des oubliés de la protection animale ; peu d’ONG s’en préoccupent et les donations vont très majoritairement aux refuges pour animaux de compagnie. Cependant, plus de la moitié des animaux dits de compagnie, en France, sont des poissons, avec 32,7 millions d’individus contre 7,3 millions de chiens et 13,5 millions de chats en 2016. Mais il est vrai que l’on communique plus facilement avec son chien ou son chat qu’avec un poisson. La différence des milieux de vie : terrestre pour les premiers, aquatique pour les poissons, fait que l’intérêt pour les derniers est plus rare. Lorsque l’on parle de l’abattage rituel sans étourdissement, on pense aux vertébrés terrestres (surtout bovins et ovins) et l’on oublie que les poissons sont, dans leur très grande majorité, abattus sans étourdissement, alors que des méthodes existent, mais davantage praticables pour les poissons d’élevage que pour ceux de la pêche commerciale. De même, la chasse de loisir des mammifères et oiseaux suscite beaucoup plus de réactions que la pêche de loisir, alors que les deux pratiques consistent à faire souffrir et mettre à mort des animaux sensibles à des fins de divertissement.
Les poissons ont la malchance de ne susciter que très peu d’empathie sur le plan émotionnel. La communication entre différentes espèces est d’autant plus facile qu’elle partage des modalités sensorielles et des canaux de communication communs. Pour l’homme, ce sont les sons, expressions faciales et postures ; il en est de même pour la plupart des mammifères. Les poissons n’ont pas d’expression faciale et leur communication repose sur des signaux chimiques, parfois électriques, et des vocalisations inaudibles par nos oreilles.
Malgré quelques voix discordantes, la recherche scientifique penche en faveur d’une sensibilité à la douleur chez les poissons. La physiologie du stress chez les poissons ressemble beaucoup à ce qui se passe chez les mammifères et les oiseaux. Des réactions émotionnelles, de peur, ont été décrites. Certaines espèces ont des comportements sociaux complexes, d’autres un attachement affectif entre partenaires sexuels. Certains utilisent des outils, d’autres réalisent des sortes d’œuvres d’art pour séduire les femelles. Les labres nettoyeurs semblent capables de se reconnaître dans un miroir. En un mot, les poissons sont capables de ressentir la douleur, la peur et le plaisir, comme les animaux terrestres.
Il y a donc atteintes au bien-être dans le cas de la pêche comme de la pisciculture. Les poissons pêchés peuvent s’épuiser pendant plusieurs heures dans les filets et ils sont comprimés les uns sur les autres lors de la remontée, avec des changements brutaux de pression. En élevage, les densités souvent trop élevées favorisent les blessures et le parasitisme. L’étourdissement avant abattage n’est pas obligatoire dans une majorité de pays, dont la France.
Les poissons ne sont donc pas des machines, mais des êtres sensibles eux aussi. L’espèce humaine, même si elle a de nombreuses préoccupations, doit continuer à évoluer vers plus d’humanité.
« On reconnait le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux » GANDHI