Dans les Yvelines, le 26 mai 2018, l’Etat a pris deux arrêtés visant à protéger le patrimoine géologique sur son territoire.
Grâce à un dossier monté principalement par Didier Merle, Chercheur en paléontologie du Muséum National d’Histoire Naturelle, une partie du parc de Grignon est protégée au titre du patrimoine géologique comme « gisements de fossiles à préservation exceptionnelle » autour de la Falunière et à la Côte aux buis, ainsi qu’une parcelle située à la ferme de l’Orme à Beynes.
A Grignon et à Beynes, le Préfet des Yvelines a voulu protéger ces sites géologiques remarquables et uniques au monde représentant une photographie assez nette de la région datant de 45 millions d’années, bien qu’en en réduisant le périmètre.
Deux sites d’intérêt géologique :
Les chercheurs ont découvert depuis le 18e siècle qu’une faune typiquement tropicale : oursins, nautiles et autres gastéropodes vivaient là voici environ 45 millions d’années.
Plus de 1 200 de ces espèces marines anciennes dont 800 espèces de mollusques ont laissé des traces fossiles à Grignon. A Beynes, on retrouve environ 400 espèces de mollusques.
Les géotopes du Lutétien à Thiverval-Grignon et à Beynes présentent des gisements fossilifères d’une richesse extraordinaire reconnue mondialement, au sein d’une même formation géologique, mais Thiverval-Grignon est beaucoup plus important et la plupart des recherches y ont et sont encore effectuées.
Hot spot de la biodiversité ancienne :
L’état de conservation de ces fossiles range le site de Grignon dans la catégorie des « gisements à préservation exceptionnelle ». Certains bivalves conservent encore des pigments témoignant de leur couleur initiale d’il y a 45 millions d’années.
C’est un véritable « hot spot » de la biodiversité ancienne. Ce gisement est le plus riche au monde pour cette époque (Merle, 2008 ; Sanders et al. 2015). Il surpasse de très loin la deuxième région à haute paléobiodiversité, la plaine du Gulf Coast aux USA.
La notion de « hotspot » a surtout été appliquée à des régions actuelles qui hébergent une grande diversité d’espèces endémiques et qui sont menacées par l’activité anthropique. Elle s’applique aisément en paléontologie à des régions de qualité paléofaunique équivalente dont l’essentiel des gisements fossilifères est en péril, comme c’est d’ailleurs le cas de l’Eocène du bassin de Paris (Didier Merle – 2015)
A : Echantillon de coquilles de la Falunière de Grignon (sous lumière UV).
B : Lot de Sigmesalia multisulcata (Lamarck, 1804) de la Falunière. Il montre l’abondance de spécimens. Echelle : 50 mm. (© P. Loubry Muséum national d’Histoire naturelle).
Le site de Beynes, plus petit, est complémentaire de celui de Grignon car les espèces de mollusques représentées font notamment partie des niveaux lagunaires mal représentés à Grignon.
D’un point de vue historique, de grands géologues des 18ème et 19ème siècles, ayant contribué au développement de la géologie moderne (Linné, Lamarck, Cuvier…), ont décrit la faune et les coupes géologiques du Bassin Parisien à partir de Grignon.
Les deux sites protégés, qui constituent la coupe quasi complète d’un étage géologique de référence internationale, ont fait l’objet de publications scientifiques, essentiellement en Europe et aux États-Unis, dans des revues scientifiques d’audience internationale.
Des chercheurs du Muséum de Paris continuent des études à la Falunière de Grignon et des publications internationales sont toujours réalisées.
Des étudiants y viennent faire des prélèvements tous les ans dans le cadre d’un module d’enseignement du Master (MNHN et Sorbonne Université), pour l’UE « Du terrain au laboratoire ». (UE : Unité d’Enseignement).
Pour plus de détails, vous pouvez consulter :
Fiche d’Inventaire National du Patrimoine Géologique de Grignon :
Arrêté de protection de Grignon : http://www.driee.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/arrete_prefectoral_de_protection_de_geotope_relatif_au_site_du_domaine_de_grignon.pdf
Les parcelles des fiches d’inventaires du patrimoine géologique sont plus importantes que celles retenues dans l’arrêté de protection. On ne peut que regretter cette réduction de protection sur Grignon, surtout dans un site déjà classé ZNIEFF.
Par contre pour le site de la ferme de l’Orme, les parcelles retenues dans l’arrêté sont identiques à celles de l’inventaire mais c’est un site très dégradé par des visites non contrôlées.
Il est indiqué dans la rubrique « vulnérabilité/besoins de protection » (parcelle 78) : « vulnérabilité maximum et il est donc urgent de clôturer le site pour espérer conserver le patrimoine géologique restant » . Il est dommage que cette proposition n’ait pas été retenue dans l’arrêté.
Ces commentaires sur les 2 sites ont été formulés lors de l’enquête publique qui a précédé ces 2 arrêtés.
A voir également :
http://clubgeologiqueidf.fr/accueil/paleontologie/grignon/la-faluniere/
http://clubgeologiqueidf.fr/accueil/paleontologie/grignon/photographies-des-especes/
http://clubgeologiqueidf.fr/accueil/paleontologie/grignon/les-scientifiques-et-grignon/
Michel Chartier
Administrateur d’Yvelines Environnement
Pour retrouver cet article en PDF : L’Etat protège deux gisements de fossiles exceptionnels