NOUVELLES MENACES SUR UN MILIEU NATUREL PROTÉGÉ
LA RÉSERVE NATURELLE NATIONALE DE L’ÉTANG de SAINT QUENTIN en YVELINES
par Gérard GROLLEAU
Ornithologue et Secrétaire général adjoint d’Yvelines Environnement
La RNN de l’Etang de St-Quentin en Yvelines a été créée par un décret du 14 mars 1986, reconnaissance de l’intérêt, en particulier ornithologique, de ce site ; il s’agit d’une escale en milieu terrestre, dans une chaîne d’escales du même type réparties sur le territoire national, qui permettent aux oiseaux migrateurs de se reposer et de se nourrir pour reconstituer leurs réserves de graisse nécessaires pour atteindre leurs zones d’hivernage africaines, ou remonter au printemps vers leurs zones de reproduction du nord de l’Europe. Nous n’oublions pas non plus les oiseaux nicheurs localement et les hivernants qui trouvent en cet endroit un havre de calme (parfois relatif).
Des études complémentaires sur la flore (livre de Gérard ARNAL et Joanne ANGLADE-GARNIER : http://www.yvelines-environnement.org/livre-flore-et-vegetation-sqy/) et sur d’autres catégories animales sont venues depuis renforcer les connaissances sur le milieu et accroître l’intérêt écologique du site.
A ce statut fort de protection est venu s’ajouter celui de zone NATURA 2000 (directive habitats), dont le périmètre est calqué sur celui de la réserve. Double protection donc.
Mais il ne faut pas croire qu’une réserve est une sorte de milieu fermé qui peut vivre en autosuffisance ; elle a besoin d’une zone de protection, sorte de poumon vert qui lui permet de respirer. Au sud, cette réserve est contigüe à des installations de loisirs ; à l’ouest, il y a le golf qui, malgré quelques inconvénients, est tout de même une zone verte ; à l’est, il y a la proximité routière, et au nord-est le vélodrome national qui est venu impacter fortement le site. Reste le côté nord de la réserve, en dehors du centre de voile, dont une partie est cultivée, sorte de zone-tampon entre celle-ci et la RN 12. Ce secteur est une zone de nourrissage pour de nombreux oiseaux terrestres qui vivent à l’intérieur de la réserve ou qui passent lors des migrations.
Mais le PLUI de St-Quentin en Yvelines, en cours d’évaluation, contient une grave menace, en l’occurrence une zone urbanisable sous statut de STECAL (Secteurs de Taille et de Capacités Limitées), article de la loi ALUR, avec des bâtiments pouvant monter malgré tout jusqu’à 15 m de haut. Si ce projet se réalise, même s’il ne couvre qu’une partie de la zone en question, ce sera le doigt dans l’engrenage et la disparition à terme de toute la zone. On nous parle de « zone de compensation » ; nous avons vu ce que c’était avec celle donnée en contrepartie de l’emprise du vélodrome sur l’île de loisirs, une escroquerie biologique.
Les élus ont, comme tout un chacun, le devoir de préserver la biodiversité et même de la restaurer ; c’est un mot que personne n’oublie dans ses discours, mais il a du mal à se transformer en actions concrètes de terrain. Voilà une occasion pour les communes concernées et l’île de loisirs de mettre en œuvre ce grand principe (vous avez dit Grenelle 2 ?).
Les Services de l’Etat ont analysé ce PLUI et fait part de leurs objections, mais cela ne suffit pas ; il faut simplement que l’Etat prenne ses responsabilités et interdise toute installation sur le secteur en cause. Il est propriétaire de l’Etang et des rigoles, il a créé la réserve, c’est lui qui a désigné la Zone NATURA 2000, il a donc des moyens de pression. S’il veut que cette réserve nationale ne dépérisse pas par étouffement dans les années qui viennent, il doit faire en sorte de préserver le « poumon vert » qui subsiste, en permettant d’ailleurs des cultures nourricières pour les oiseaux terrestres, ainsi que le stationnement automnal et hivernal des Vanneaux huppés et des Pluviers dorés lorsque le sol suffisamment humide leur permet de trouver les vers de terre dont ils se nourrissent.