POURQUOI FAUT-IL PROTÉGER LES TERRES AGRICOLES SITUÉES AU NORD DE L’ÉTANG DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES ?
La Réserve Naturelle Nationale (RNN) des Etangs et Rigoles d’Yveline
La Réserve Naturelle Nationale (RNN) des Etangs et Rigoles d’Yveline a été créée en avril 2021 (décret ministériel n°2021-404). Son cœur historique est constitué par la partie occidentale de l’étang de Saint-Quentin-en-Yvelines, elle-même déjà classée en RNN dès 1986. Depuis décembre 2003, cette partie de l’étang (91 hectares) est également classée Site Natura 2000 (arrêté ministériel NOR DEVN020444A – Zone de Protection Spéciale FR1110025). L’extension récente de la RNN renforce l’importance et la qualité de la Trame Verte et Bleue dans ce secteur des Yvelines.
L’étang de Saint-Quentin-en-Yvelines (le plan d’eau lui-même et ses abords immédiats : bassins, vasières, prairies, bois, terres cultivées) constitue un site d’intérêt ornithologique majeur pour l’Ile-de-France : 270 espèces d’oiseaux nicheurs, hivernants ou migrateurs y ont été observées depuis 30 ans. Le site est également renommé pour sa flore : plus de 550 espèces de plantes à fleurs et de fougères (dont 14 aujourd’hui protégées), y ont été recensées depuis le milieu du XIXème siècle, soit un tiers de la flore régionale contemporaine.
Une telle zone de nature est exceptionnelle en contexte urbain. L’Ile de Loisirs offre aux visiteurs (1 million par an) un effet de surprise quand ils découvrent cette vaste étendue d’eau (140 hectares, la plus grande d’Ile-de-France) bordée de bois et de champs. L’appropriation de la réserve naturelle par les habitants et la communauté scientifique est acquise : 3000 à 5000 visiteurs par an (scolaires, centres culturels, associations, professionnels, scientifiques, entreprises). Créer une RNN ici était, en 1986, un véritable pari. Il a été gagné, mais nécessite toujours de concilier les loisirs et la préservation de la nature.
Obstacles à la construction d’un stade (ou de tout projet d’urbanisation) sur les terres agricoles situées entre la RN 12 et l’étang de Saint-Quentin-en-Yvelines (lieu-dit « Le Poirier rouge »)
Obstacles géotechniques
Sous le plateau de Trappes existent, localement, des poches de Calcaire de Beauce. Situé entre 10 et 20 m de profondeur, ce calcaire marneux, utilisé pour l’amendement des champs, fut exploité autrefois sous forme de cavités souterraines (appelées marnières), accessibles par des puits étroits. Ces derniers ne sont plus visibles, mais les cavités existent toujours. Comme ce fut le cas lors de la construction de la Ville Nouvelle du côté sud de l’étang, les risques d’effondrement obligeront à des études géotechniques minutieuses, voire à des fondations spéciales. Le lieu-dit « Les Marnières », sur le site même, renforce cette présomption.
Obstacles pédologiques
Les sols du site sont développés dans le limon des plateaux. Ils sont profonds, perméables mais sans excès, à texture équilibrée et très fertiles. Ils comptent parmi les meilleurs sols de France pour les cultures céréalières. Depuis plus de 40 ans, l’exploitation de ces champs ne s’est faite en agriculture raisonnée et se fait maintenant en agriculture biologique par AgroParisTech, accompagnée d’un projet de méthanisation et économie d’énergies fossiles. On y produit les céréales nécessaires à l’élevage laitier de la ferme expérimentale de Grignon. La disparition de ces sols serait peu compatible avec la Loi dite ZAN (Zéro Artificialisation Nette) de 2023 complétant à la Loi Climat et résilience de 2021. Suite à l’urbanisation périphérique depuis 50 ans (communes de Bois d’Arcy, Trappes, Montigny-le-Bretonneux), il subsiste pratiquement plus de tels sols intacts dans ce secteur des Yvelines. Leur préservation pour maintenir une agriculture de proximité est donc cruciale.
Obstacles hydrologiques
Il existe sur le site des zones humides dites « mouillères » (dépressions fermées, peu profondes, alimentées par l’eau de pluie, situées dans des parcelles agricoles régulièrement labourées).La préservation des zones humides fait l’objet de l’article L211-1-1 du Code de l’Environnement. Ces mouillères sont intéressantes pour la faune (insectes, batraciens…) et la flore (espèces annuelles rares), surtout à proximité de l’étang. Les nombreuses mouillères qui existaient juste au nord de la RN 12, dans la plaine agricole de la Croix Bonnet, ont disparu au début des années 2000 suite à l’urbanisation. Celles du site sont donc les dernières du secteur.
Obstacles écologiques vis-à-vis des oiseaux
La construction sur le site d’un stade de grandes dimensions, puis son exploitation (matches) risquent de provoquer indirectement l’appauvrissement qualitatif (nombre d’espèces) et quantitatif (nombre d’individus) des populations locales d’oiseaux, notamment des migrateurs. Rappelons que les oiseaux constituent la raison majeure de la protection réglementaire d’une partie de l’étang de Saint-Quentin-en-Yvelines et que ce site agricole adjacent est complémentaire de la réserve naturelle. En effet, il constitue une zone d’alimentation et/ou de repos pour de nombreux oiseaux fréquentant l’étang (Anatidés, Ardéidés, Vanneaux huppés, Pluviers dorés…) qui n’ont pas d’alternative dans le secteur. De plus :
- Le dérangement par un chantier de plusieurs mois menacera la fidélité (déjà fragile) du retour annuel sur le site pour certaines espèces ;
- L’obstacle aux déplacements (la hauteur d’un tel stade serait d’environ 50 m), la pollution lumineuse par l’éclairage (voire par des feux d’artifice) la nuit tombée et le bruit (spectateurs, circulation de véhicules) risquent de provoquer une déviation du couloir migratoire, donc l’évitement de cette escale locale réputée ainsi que la non-installation des nicheurs ou l’échec des couvées.
Obstacles réglementaires
La proximité immédiate du site Natura 2000 et les impacts prévisibles sur les oiseaux (objet même du classement) obligeront à faire réaliser des études naturalistes longues et complexes. Les compensations écologiques (séquence Eviter – Réduire – Compenser) devraient être mises en œuvre sur place pour être utiles à la RNN, ce qui paraît totalement impossible compte tenu de l’absence d’autres surfaces agricoles jouxtant la réserve.
CONCLUSION
Un projet d’urbanisme d’envergure (stade ou autre) au nord de l’île de loisirs porterait un coup fatal à 50 ans de mobilisation des administrations nationale, régionale et départementale, des associations environnementales, des scientifiques, des amateurs et des gestionnaires qui ont œuvré et œuvrent toujours quotidiennement pour la conservation en bon état de conservation et pour animation de ce site ornithologique majeur d’Ile-de-France.
Les terres agricoles situées entre la RN 12 et l’étang de Saint-Quentin-en-Yvelines et l’Ile de Loisirs en général, constituent une véritable zone de protection (zone « tampon ») pour la Réserve Naturelle Nationale. Face aux projets autres qu’agricoles ou naturels, ces terres garantissent la viabilité écologique d’un site sous forte protection réglementaire nationale et européenne.